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Stanislas Boutmy : « il faut donner aux collectivités des moyens pour mener leurs missions »

  • Photo du rédacteur: Kévin Saigault
    Kévin Saigault
  • 23 févr. 2018
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 31 mars 2021

Alors qu’Emmanuel Macron a promis de réformer la fiscalité locale d’ici 2020, Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More et Stanislas Boutmy, responsable d’investissement Secteur public pour le fonds d’investissement Acofi et fondateur de Public Evaluation System, la première agence française spécialisée dans l’analyse financière des collectivités territoriales, ont publié un rapport avec trois mesures à adopter pour que cette refonte soit un succès. Stanislas Boutmy a accepté, pour nous, de revenir sur leurs propositions.


Dans votre rapport co-écrit avec Jean-Thomas Lesueur, vous différenciez l’autonomie financière et l’autonomie fiscale des collectivités locales. Pourquoi ?


Il y a une spécificité française qui est de confondre autonomie fiscale et autonomie financière des collectivités territoriales. On considère qu’on est autonome à partir du moment où on a un pouvoir fiscal alors que si on se place dans un cadre constitutionnel ou international avec la Charte européenne de l’autonomie locale adoptée par le Conseil de l’Europe en 1985, l’autonomie locale, qui est le support de la libre administration, est beaucoup plus large que l’autonomie fiscale. Et en effet, l’autonomie financière ne se résume pas à une autonomie fiscale. D’après la définition de la Charte européenne de l’autonomie locale, l’autonomie financière, c’est des ressources adaptées aux compétences exercées et des ressources propres, diversifiées et évolutives. Comme il s’agit d’un traité international adopté par la France, il a une valeur constitutionnelle en France. Les collectivités locales françaises sont quasiment celles qui possèdent le plus de ressources fiscales, sans que personne ne considère pour autant qu’une collectivité locale française soit plus autonome qu’un Land allemand, par exemple. Les Länder allemands sont considérés comme beaucoup plus autonomes, ce qui est logique car ils sont dans un système fédéral, mais ils n’ont quasiment pas de pouvoir fiscal. La constitution prévoit qu’une part de la TVA leur est reversée chaque année. Le premier point est donc de ne pas confondre autonomie fiscale et autonomie financière.


Comment obtenir une autonomie financière pour les collectivités locales sans passer exclusivement par la fiscalité ?


C’est le cas aujourd’hui des régions qui n’ont plus de pouvoir fiscal direct. A part pour le tarif du permis de conduire et une part marginale de la TICPE, une série de taxes leurs sont reversées mais ce ne sont pas elles qui fixent les taux. Ce qui est important pour les collectivités, c’est d’avoir des ressources. Aujourd’hui, les dotations et reversements de fiscalité constituent la majorité des ressources des collectivités. Mais ce qu’il leur faudrait, c’est des ressources en phase avec leurs charges afin de mener à bien leurs missions. Le point clé pour les collectivités n’est pas de pouvoir lever des ressources mais de percevoir l’argent dont elles ont besoin sans qu’on leur dise comment l’utiliser. Les collectivités locales ont des compétences. Il faut donc qu’on leur garantisse des ressources. La notion d’autonomie consiste ensuite à leur laisser la liberté de gérer leurs compétences comme elles l’entendent. Par exemple, ce sont les départements qui financent le RSA mais ce ne sont pas eux qui fixent son montant ni ses conditions d’attribution. Mais si les départements étaient vraiment autonomes, on pourrait considérer que c’est à eux d’en fixer le montant ou les conditions. C’est un exemple, bien évidemment. Je pense que personne ne s’oriente vers cela. Mais cet exemple montre les limites de la notion d’autonomie.


Votre première proposition est d’instaurer un mécanisme d’évaluation des charges et des ressources dans le but de déterminer de combien auront besoin les collectivités chaque année. Pouvez- vous nous expliquer clairement de quoi il s’agit ?


L’idée, c’est que quand on cherche à offrir un niveau minimum de services communs, on a besoin d’un mécanisme d’évaluation permanente des charges et des ressources de chacun des territoires. C’est le cas au Japon, par exemple. Cela permet d’attribuer, chaque année, aux collectivités locales japonaises des ressources pour que chaque Japonais ait accès à une base commune des services publics. Avoir une évaluation en continue et acceptée par tous est très important car cela permet de rendre acceptable les mécanismes de péréquation. C’est plus acceptable à partir du moment où vous savez que, chaque année, on va réévaluer les choses plutôt que de rester fixé sur quelque chose qu’on ne réévalue pas. L’exemple français montre qu’on arrive dans une impasse aujourd’hui. Les valeurs locatives cadastrales qui sont les bases d’imposition historiques de la taxe foncière et de la taxe d’habitation ont été établies il y a une quarantaine d’années. Elles devaient être revalorisées régulièrement à l’origine. Finalement, il s’est avéré que cette revalorisation réelle ne s’est jamais faite. Résultat, les valeurs locatives cadastrales ne reflètent en rien la valeur réelle des biens et on se retrouve avec des situations inéquitables. D’où la proposition de supprimer la taxe d’habitation car elle s’appuie sur des bases qui ne sont pas justes. Alors que si nous avions mis en place en permanence une revalorisation de ces bases, on n’aurait pas forcément eu besoin de supprimer la taxe d’habitation et on aurait une taxe foncière beaucoup plus proche de la réalité.


Les Suisses sont les premiers à avoir mis en place un véritable mécanisme de péréquation sur les charges et sur les ressources. D’un côté, ce système évalue les mécanismes de charges de chacun des cantons et, de l’autre, il évalue leurs ressources. Il va ensuite décorréler les prélèvements au titre des ressources et les versements au titre des charges, ce qui fait que tous les territoires contribuent au mécanisme de péréquation. A côté de cela, tous les territoires perçoivent des ressources au titre de la compensation de leurs charges, ce qui fait que même le canton de Zoug qui est le plus riche de Suisse perçoit des sommes au titre de la péréquation. Cela rend la mécanique beaucoup plus acceptable pour tout le monde. Alors que quand on parle péréquation en France, il y a toujours quelqu’un pour dire : « j’ai fait des efforts et je ne veux pas que ce soit quelqu’un d’autres qui me pique mes efforts ». C’est un sujet qui crispe très vite. Le fait d’avoir une évaluation permanente et continue des charges et ressources de chaque territoire permet donc de rendre acceptable les prélèvements et les dépenses.


L’une de vos propositions est d’ailleurs de réviser les valeurs locatives cadastrales pour ce qui est de la taxe foncière…


L’imposition foncière doit s’appuyer sur des bases qui reflètent la réalité tout en se prémunissant des mécanismes de spéculation immobilière. Parmi les premiers bénéficiaires de la spéculation immobilière, il y a les collectivités car ce sont elles qui perçoivent les droits de mutation qui sont proportionnels aux ventes immobilières. Tout cela tourne donc un peu en rond. Mais avoir une imposition foncière qui s’appuie sur des bases qui reflètent la réalité permet de mettre en place les mécanismes de compensation qui sont les plus équitables possibles.


Vous voudriez également mettre en place un taux d’imposition communal sur l’impôt sur le revenu ou la TVA. En Suède, la partie communale de l’impôt sur le revenu permet de financer, par exemple, la moitié des recettes fiscales des collectivités. Faut-il s’orienter vers un modèle de ce type ?


C’est une proposition. L’idée, c’est d’avoir un impôt partagé. Mais cela soulève tout un tas de questions. Par exemple, que faire pour les territoires où peu de gens paient l’impôt sur le revenu ? Cela aura forcément pour conséquence un financement par la péréquation. C’est la première chose. La deuxième est de savoir qui fixe les taux. Au Danemark, une part symbolique est laissé au niveau local. Un peu comme pour la TICPE en France pour les régions. L’idée que vos habitants soient soumis à l’impôt sur le revenu et, via cet impôt, participent au financement direct de votre commune permet de créer un lien entre les habitants et le territoire. Cela répond peut-être au problème de la suppression de la taxe d’habitation qui fait disparaître le lien entre les habitants et leurs territoires. Car la taxe foncière, elle, n’est pas forcément payée par les habitants. Si on remplace donc la taxe d’habitation par une fraction de l’impôt sur le revenu, cela permet de conserver ce lien symbolique. Ce symbole a une valeur à laquelle les élus français sont très attachés.


Pourquoi ce lien fiscal entre les habitants et les collectivités est-il si important ?


En France, la fiscalité a précédé la révolution. Si on a réuni les Etats Généraux en 1789, c’était pour voter de nouveaux impôts. Cette notion de contribution des habitants à la chose publique est donc constitutive à la démocratie. Comme les élus et les collectivités ne peuvent pas fournir tous les services demandés par les habitants et doivent faire des choix, cela induit une notion de démocratie très importante. Dans le cas des collectivités locales, la proximité peut passer par un lien fiscal. Plus une collectivité est petite, plus cette proximité se fait ressentir. En Finlande, ce lien fiscal très fort entre les habitants et les communes, qui sont beaucoup moins nombreuses qu’en France, a eu pour conséquence que les professeurs sont devenus salariés des mairies, et non de l’Etat. Quand les habitants se plaignent des enseignants, le maire qui fonctionne comme un employeur peut licencier l’enseignant. Cela signifie que quand vous financez quelque chose, vous êtes plus légitime pour réclamer des comptes par la suite.

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