Sacha Briand : « le lien fiscal entre les habitants et les collectivités locales est essentiel »
- Kévin Saigault
- 2 mars 2018
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 mars 2021
Alors que les premières recommandations de la mission Richard-Bur pour réformer la fiscalité locale ont été remises au gouvernement, Sacha Briand, adjoint au maire de Toulouse en charge des finances et de la modernisation de l’action publique, vice-président de Toulouse Métropole et conseiller régional d’Occitanie, a accepté de nous donner son opinion sur celles-ci ainsi que de nous faire part de ses pistes de réflexion.
Quel est votre point de vue sur l’une des pistes envisagées par la mission Richard-Bur qui est d’accorder davantage de dotations de l’Etat aux collectivités ?
Il y a un certain nombre de règles qui ont été fixées telles que celles relatives à l’autonomie financière et fiscale des collectivités locales. A partir du moment où le gouvernement entend supprimer la taxe d’habitation, après la phase de dégrèvement, il ne peut substituer à cela qu’une ressource à caractère fiscale. S’il s’agit de la remplacer par une dotation, et alors qu’elles ont été réduites au cours des dernières années, c’est une proposition qui, à mon avis, ne pourra pas être soutenue par les collectivités.
Autre proposition évoquée : attribuer au bloc communal des fractions d’impôts nationaux. Qu’en pensez-vous ?
Cela a déjà commencé pour les régions avec une fraction de la TVA ou, plus anciennement, avec une fraction de la TIPP. C’est une piste qui mérite d’être explorée à la condition d’avoir une certaine visibilité sur le produit et la dynamique qui en découle. Cette proposition répond à la question et à l’exigence de l’autonomie fiscale.
Le troisième point évoqué par la mission Richard-Bur est de réallouer ou de réaménager des impositions existantes. Cela ne revient-il pas à déplacer le problème du manque de ressources dû à la suppression de la taxe d’habitation ?
Il est certain que si le bloc communal, en lieu et place de la taxe d’habitation, reçoit une partie du foncier bâti que perçoit aujourd’hui le département, c’est une réponse qui peut être satisfaisante pour le bloc communal mais qui pose le problème de la stabilité des ressources du département. Si, dans le cadre de la réflexion globale, le département est compensé par d’autres recettes fiscales, et pourquoi pas au regard de ses compétences d’une fraction de la CSG, c’est quelque chose qui peut être entendu.
Quelles autres idées ou pistes de réflexion jugez-vous intéressantes pour réformer la fiscalité locale ?
A chaque fois que l’on a essayé de réformer, on a vu que c’était compliqué car cela entraine des transferts de fiscalité importants. Pour ma part, je pense qu’il est essentiel qu’il y ait un lien fiscal entre les habitants et les collectivités locales car sinon les administrés peuvent légitimement avoir le sentiment que les choses sont gratuites et ne pas comprendre que l’on doit maîtriser le coût de production des services publics. Le gouvernement a dit qu’il ne souhaitait pas créer un nouvel impôt à la place de la taxe d’habitation. Cela veut dire qu’il doit y avoir une répartition des ressources fiscales qui existent aujourd’hui entre le niveau local et le niveau national. Il n’y a donc pas beaucoup d’autres alternatives que la réaffectation du foncier bâti au bénéfice du bloc communal et/ou le transfert d’impôts nationaux pour compenser auprès des départements et, le cas échant, du bloc communal. Soulignons toutefois qu’en France, nous avons un impôt très important : la TVA. Cet impôt présente un bon niveau de productivité et donne le sentiment d’être indolore pour les usagers. Il présente également un intérêt sur le plan de la compétitivité internationale car les importations contribuent aux dépenses à financer par la TVA. Il reste que l’augmentation du taux de la TVA n’est pas d’actualité. Il n’y a donc pas beaucoup de pistes à envisager et la mission Richard-Bur a pu rapidement faire le tour des différentes hypothèses.
En quoi créer un nouvel impôt local ne serait pas une bonne idée ?
Il n’y a pas d’intérêt à remplacer la taxe d’habitation qui est un impôt imparfait par un autre impôt qui serait lui-même imparfait. Si on décide aujourd’hui de supprimer la taxe d’habitation, c’est probablement parce que cet impôt est extrêmement inégalitaire et très compliqué à réformer. Je pense donc que, pour le gouvernement, la réforme des valeurs locatives cadastrales était une bombe à retardement qui ne présentait pas grand intérêt. A partir de là, sur la base des impôts qui existent déjà, il faut travailler à une nouvelle répartition des produits.
Réformer la fiscalité locale, c’est aussi la rendre plus lisible et moins déconnectée de la réalité. Est-ce que ça ne commence pas par une révision des valeurs cadastrales locatives qui sont les mêmes depuis 1970 ?
Pour ce qui est de la taxe d’habitation, c’est le cas. Mais à partir du moment où elle va être supprimée, l’affaire va être réglée. Pour ce qui est du foncier bâti, il y a déjà une réforme qui a été mise en œuvre sur les valeurs locatives commerciales et professionnelles qui représentent pratiquement la moitié des bases du foncier bâti. Concernant les valeurs locatives d’habitation, elles posent un problème fondamental : si demain le bloc communal voit ses ressources principalement assises sur le foncier bâti, cela veut dire qu’il n’y a que les propriétaires qui contribuent. De plus, il y a des disparités. Mais ces disparités sont moins importantes que ce qui existait pour la taxe d’habitation. Il y a donc probablement un chantier à entreprendre mais il sera de longue haleine.
Contrairement à la Suède par exemple, ne nous manque-t-il pas une agence de financement des investissements publics locaux qui soit véritablement efficace ?
Il y a déjà l’Agence France Locale qui a été créée il y a quelques années. La ville de Toulouse et Toulouse métropole sont membres de l’agence car nous considérons qu’il faut consolider le financement des collectivités. L’agence France Locale commence à prendre une place importante dans le développement des collectivités. L’objectif de l’agence est d’assurer un accès pérenne au financement des investissements des collectivités. Elle y contribue aujourd’hui de façon significative. Dans les prochaines années, probablement de façon majeure.
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