Fiscalité locale en Allemagne : un modèle très décentralisé
- Kévin Saigault
- 26 janv. 2018
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 mars 2021
En plus des impôts locaux, les Länder, l’équivalent de nos régions outre-Rhin, gèrent environ la moitié des recettes fiscales directes en Allemagne. Explications.
Souvent érigée en modèle, l’Allemagne l’est-elle jusque dans la gestion de sa fiscalité locale ? Avant d’entrer dans les détails, une brève rétrospective de l’organisation territoriale allemande s’impose. Créée à la fin du XIXe siècle grâce à la réunion d’Etats indépendants, l’Allemagne a toujours laissé une large autonomie à ces derniers. Chaque Land, ou Etat fédéré, dispose de son Parlement, de son gouvernement et de sa constitution. Au total, 16 Länder, dont 13 sont également divisés en districts et 3 villes-Etats (Brême, Berlin et Hambourg), composent la fédération allemande. Si les Länder ont la responsabilité de faire respecter les décisions régaliennes prises par le gouvernement (politique international, défense, politique monétaire, …), ils bénéficient aussi de leurs prérogatives propres (droit communal, police, culture, éducation, …). Les communes et les cantons, quant à eux, gèrent les affaires locales telles que les transports en commun, les routes ou encore l’alimentation en eau et en électricité.
Dans ce système très décentralisé, la fiscalité a un statut à part puisque l’Etat et les Länder se partagent certaines compétences. Pour autant, il semblerait que l’Etat ait une longueur d’avance. En effet, seuls l’impôt sur les successions, l’impôt sur les loteries et l’impôt foncier sont directement gérés et encaissés par les Länder. Selon la Tribune, ces impôts ne représentaient, en 2013, que 15 milliards d’euros de revenus, soit 6,5 % de l’ensemble des revenus fiscaux, ce qui est très peu.

Des impôts locaux insuffisants ?
Pourquoi ces impôts rapportent si peu ? C’est simple. La taxe foncière allemande, qui est le principal impôt local outre-Rhin, a un mode de calcul sensiblement similaire à la version française mais qui ne se base pas sur le même rapport. En effet, l’assiette fiscale de cet impôt est calculée à partir de la valeur fiscale du bien. Une valeur désuète qui a été instaurée en 1964 et qui n’est pas sans rappeler celles des valeurs locatives cadastrales françaises. Pour déterminer combien les propriétaires vont payer, un taux d’imposition de base est ensuite calculé à partir de la localisation et de la nature du bien. De forts écarts entre les régions de l’ex-RFA et de l’ex-RDA sont d’ailleurs constatés, l’Ouest semblant toujours bien plus attractif que l’Est. Enfin, à ce résultat, chaque commune est libre d’appliquer un taux d’imposition final qui peut aller de 320 à 810 %.
Mais à la différence de la France, la valeur fiscale des biens allemands est largement inférieure à leur véritable valeur marchande. Ceci explique pourquoi la taxe foncière est si faible outre-Rhin. Si, en France, la taxe foncière a rapporté près de 38 milliards d’euros en 2015, elle n’a ainsi rapporté que 13,7 milliards à l’Allemagne sur la même période, selon l’office allemand de la statistique. En septembre 2016, les Länder de Hesse et de Basse-Saxe ont d’ailleurs présenté un projet de loi au Conseil fédéral afin de réformer cette taxe. Un projet qui est toujours au point mort.
Des transferts de ressources conséquents
Par ailleurs, contrairement à ce qui se fait couramment au Royaume-Uni, les administrations locales ne peuvent emprunter librement. Et pour cause : la règle d’or constitue un véritable frein à l’endettement puisqu’elle impose l’équilibre budgétaire aux Länder à partir de 2020. Résultat, ces derniers ne peuvent s’endetter pour améliorer la qualité de leurs services publics ou pour construire. L’avantage, c’est que cela leur permet de pas se retrouver avec un solde déficitaire trop important.

Comme les impôts locaux rapportent peu et que les collectivités ne peuvent s’endetter trop lourdement, ce sont donc les impôts fédéraux qui permettent de les financer. L’impôt sur le revenu, la TVA et l’impôt sur les sociétés constituent une grande partie du budget des Länder puisqu’une partie de l’argent collecté leur est reversée. D’après un rapport de l’agence d’urbanisme de l’aire métropolitaine lyonnaise, 36 % des impôts directs collectés reviennent aux Länder, l’État fédéral en perçoit, lui, près de 50 % et les communes se partagent le reste. Mais ces dernières n’ont que peu d’emprise sur ces questions puisque ce sont les Länder qui sont chargés de leur transférer une partie de leurs ressources. Elles bénéficient également de quelques dotations de l’Etat. Mais en somme, leur autonomie financière est très réduite.
Des Länder en quête de toujours plus d’autonomie
De leur côté, les Länder bénéficient donc d’une autonomie accrue puisqu’ils gèrent la moitié des recettes fiscales publiques, ce qui est beaucoup plus qu’en France où les collectivités territoriales se financent principalement grâce aux impôts locaux. Pour autant, ce système ne satisfait pas tous les Länder. En effet, les impôts qui sont collectés par leurs soins avant d’être reversés à l’Etat sont ensuite redistribués selon un système de péréquation, ce qui signifie que les Länder les plus riches reversent une partie des ressources qu’ils ont collecté aux plus pauvres. Une répartition qui est loin de satisfaire la Bavière, le Bade-Wurtemberg et la Hesse, les trois régions les plus riches du pays, car elles se voient amputées d’une partie des ressources collectées sur leur territoire. La Bavière et la Hesse ont d’ailleurs porté plainte, en 2013, devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe afin d’en finir avec ce système.
Aussi, ces Länder réclament, depuis plusieurs années déjà, la possibilité d’appliquer un taux d’imposition sur le revenu et les sociétés, deux impôts décidés au niveau fédéral. D’après eux, cela permettrait notamment aux Länder endettés de combler leur déficit, et donc aux plus riches de donner moins. En clair, moins de transferts et toujours plus d’autonomie.
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