Comment est calculé le montant des dotations que l’Etat verse aux collectivités locales ?
- Kévin Saigault
- 15 juin 2018
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 mars 2021
La question des dotations de l’Etat est un sujet sensible. Pour comprendre ce qu’il se cache derrière ce débat si explosif, encore faut-il savoir comment ces dotations fonctionnent vraiment. Décryptage.
Un enjeu vital. Après quatre années consécutives de baisse, le montant des dotations que l’Etat accorde aux collectivités territoriales sera stabilisé pour la première fois. Une bonne nouvelle qui ne réjouit pas tant que cela les maires et autres élus locaux. En effet, les dotations représentent près de la moitié des transferts financiers de l’Etat. Le problème, c’est qu’elles ont été tellement rabotées au cours des dernières années que les collectivités attendaient plus qu’une simple stabilisation.
Mais, au fait, comment est calculé le montant de ce que l’Etat reverse aux collectivités ? Prenons l’exemple de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Tous les échelons de collectivités (communes, départements, régions, établissements publics de coopération intercommunale) en bénéficient. Il ne s’agit ni plus ni moins que de la plus importante contribution de l’Etat en leur faveur. En 2018, la DGF devrait ainsi représenter 30,98 milliards d’euros, soit l’équivalent de 30 % des transferts financiers de l’Etat. Son but ? Financer les dépenses courantes des collectivités (rémunération des personnels, entretien des locaux, fourniture…).
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le calcul de la DGF est relativement simple. En théorie, du moins. La DGF des communes est, par exemple, composée de quatre parties :
Une dotation forfaitaire
Une dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale : son objectif est d’aider les communes urbaines de plus de 5 000 habitants qui manquent de ressources et qui ont des charges élevées
Une dotation de solidarité rurale : elle est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants (ou arrondissement de moins de 20 000 habitants) qui manquent de ressources et qui ont des charges élevées
Une dotation de péréquation : c’est le principe selon lequel les collectivités les plus riches reversent une partie de leurs ressources aux plus défavorisées
Un calcul complexe et totalement illisible dans les détails
Voilà pour la partie théorique. Dans les faits, le calcul de ces dotations est plutôt complexe, et notamment en ce qui concerne la dotation forfaitaire. Jusqu’en 2014, elle était calculée de la manière suivante :
Dotation forfaitaire = dotation de base (en fonction de la population) + dotation proportionnelle (en fonction de la superficie de la commune) + dotation « parc national » + une part compensations (pour compenser le manque à gagner suite à la baisse des dotations de compensation de la taxe professionnelle qui a eu lieu entre 1998 et 2001) + un complément de garantie (dont le but était que les communes conservent au minimum les dotations dont elles bénéficiaient avant une réforme datant de 2004).

Pour simplifier le tout, la précédente majorité a changé la formule de calcul de cette dotation forfaitaire en 2014. Pour autant, il est impossible de comprendre comment est calculée cette dotation aujourd’hui sans prendre en compte la version d’avant 2014. La raison ? L’Etat se base toujours sur le résultat de cette version pour calculer la nouvelle dotation forfaitaire accordée aux communes. En clair, l’Etat se base sur la dotation forfaitaire de l’année n-1, ce qui signifie que tout le calcul de la dotation forfaitaire repose encore sur le résultat de l’année 2014.
Voici le nouveau mode de calcul de la dotation forfaitaire des communes :
Dotation forfaitaire = dotation forfaitaire n‐1 ‐ contribution au redressement des finances publiques ‐ prélèvements sur fiscalité (CCSAS et TASCOM).
Le résultat est ensuite réajusté en fonction de l’augmentation ou de la baisse de la population qui a eu lieu sur une année dans une commune. Les départements, les régions et les EPCI bénéficient, eux-aussi, de cette dotation après un calcul similaire et tout aussi complexe…
Pourquoi les dotations ont-elles autant baissé ces dernières années ?
Quoi qu’il en soit, le calcul des dotations est précis et suit une logique bien établie. Alors, comment se fait-il alors que la DGF ait tant diminué en quatre ans ? Pour rappel, elle s’élevait à 40 milliards d’euros en 2014 contre seulement 30,9 milliards d’euros en 2017. Une baisse conséquente décidée sous la majorité précédente dans le but de faire des économies et de respecter la règle du déficit des 3 % du PIB imposée par Bruxelles. Pour ce faire, le gouvernement de François Hollande a tout simplement élevé la part de la « contribution au redressement des finances publiques » qui est soustraite au calcul de la dotation forfaitaire.
A qui les dotations de fonctionnement bénéficient-elles ?
Ce sont les communes et les EPCI qui perçoivent la majeure partie de la DGF (59 %), suivis par les départements (28 %) puis par les régions (13 %). Et surprise, ce ne sont pas forcément les villes les plus grandes qui bénéficient le plus des dotations. Enfin, si. Mais tout dépend du point de vue. Comme l’explique très justement un article du Monde (cliquez ici pour le consulter), la ville de Lyon et ses 500 000 habitants a perçu une DGF de 105 millions d’euros en 2014, tandis qu’une ville comme Alençon et ses 26 000 habitants a, elle, perçu environ 12 millions d’euros. Une différence de plus de 90 millions d’euros donc.
Pour autant, la DGF couvre seulement 16 % des recettes de fonctionnement de la ville Lyon contre 39 % pour Alençon. En cause : du fait de son grand nombre d’habitants et de sa richesse, la ville de Lyon se finance principalement grâce à sa fiscalité locale, ce qui n’est pas le cas pour Alençon. Et encore moins pour les plus petites communes comme Sanna et ses 395 habitants pour qui la DGF représentait près de la moitié des recettes de fonctionnement en 2014.

Des communes laissées-pour-compte ?
Plus étonnant, en se basant sur les données en open data de la Direction générale des collectivités locales, nous avons constaté que plus de 150 communes n’avaient perçu aucune dotation globale de fonctionnement en 2016. Pour la majorité d’entre elles, il s’agit de petites communes de moins de 1 000 habitants. Est-ce parce qu’elles sont trop petites et suffisamment riches qu’elles n’y avaient pas droit ? Nous nous sommes posés la question.
Contacté par nos soins, Claude Georges, le maire de Laville-aux-Bois (Haute-Marne) a accepté de nous répondre. Dans le cas de sa petite commune d’un peu plus de 200 habitants, l’explication est assez simple à comprendre. « Notre commune a reçu une dotation globale de fonctionnement en 2016, nous explique-t-il. Mais suite à des problèmes liés à la dématérialisation, elle a été comptabilisée sur l’exercice 2016 mais en passage comptabilité 2017. La fusion de 3 EPCI (une agglomération + deux communautés de communes) a obligé la trésorerie à reporter certaines opérations comptables de régulation mais nous avions les reçu acomptes mensuels qui étaient restés au niveau du bilan en compte d’attente. »
C’est, en revanche, une toute autre affaire pour la commune d’Eguilly (Côte-d’Or) et ses 62 habitants qui n’a eu droit à aucune DGF en 2015 et en 2016 alors qu’elle a perçu 5 959 € en 2014. « Nous sommes considérés comme une commune riche », nous répond le maire Jean-Marie Faivret. Et en effet, suite à la baisse des dotations initiée en 2014, certaines petites communes parmi les plus aisées ont été privées de DGF. Peu optimiste pour l’avenir, le maire d’Eguilly estime d’ailleurs que sa commune ne devrait toujours pas percevoir de DGF en 2018.
Plus surprenant, sur la même période, certaines communes ont fait l’objet d’un prélèvement sur leurs recettes fiscales car elles ne contribuaient pas suffisamment au redressement des finances publiques. C’est le cas de la ville de Gravelines (Nord) et ses 12 000 habitants qui, après avoir perçu une DGF de 772 409 € en 2014, n’a plus rien reçu depuis. « Nous avons une centrale nucléaire dans notre ville, ce qui nous a amené une richesse assez exceptionnelle. Nous avions pourtant encore une DGF. Mais ces dernières années, de nouveaux calculs ont été faits et on a considéré que nous étions trop riches. On nous a donc enlevé la DGF et, comme si ce n’était pas suffisant, on doit désormais rendre de l’argent », nous détaille Bertrand Ringot, le maire de la ville.
Un rapport du Sénat pointe par ailleurs du doigt le fait que certaines de ces communes privées de DGF ne peuvent plus participer au financement de la péréquation, et ce bien qu’elles présentent un potentiel financier par habitant moyen de 1 436 € contre 1 052 € par habitant pour l’ensemble des communes. La ville de Gravelines, elle, continue de participer au Fonds de péréquation. « Sur les cinq dernières années, par rapport à la DGF que j’avais et que je n’ai plus, par rapport au Fonds de péréquation que je n’avais pas et que j’ai, j’ai perdu 10,8 millions d’euros. Je ne suis pas à plaindre mais le problème, c’est que ces recettes étaient affectées à des dépenses. Quand on vous enlève plus de 2 millions d’euros par an du jour au lendemain, vous devez donc réduire vos dépenses en équipements et vos investissements. De plus, si l’implantation d’entreprise n’a aucun impact sur la richesse locale, quelle va être la motivation des communes à aller chercher des entreprises à l’avenir ? », se questionne Bertrand Ringot.

Les autres dotations de l’Etat fonctionnent-elles de la même manière ?
Si la DGF est la dotation de fonctionnement par excellence, d’autres dotations du même type existent par ailleurs. Il y a, par exemple, le fonds de mobilisation départemental pour l’insertion (500 millions d’euros par an) ou encore la dotation « élu local » qui vise à aider les communes défavorisées de moins de 1 000 habitants (65 millions d’euros en 2017).
Autrement, il y a les dotations de compensation. Elles servent à compenser les transferts de compétences de l’Etat envers les collectivités. La plus célèbre de ces compensations est la dotation générale de décentralisation. Elle a rapporté 1,6 milliard d’euros aux collectivités en 2017.
Enfin, il y a aussi les dotations d’équipements dont le but est, comme leur nom l’indique, de financer les équipements et les infrastructures. Il s’agit principalement de :
La dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) : elle vise à favoriser le développement rural et s’élevait à 996 millions d’euro en 2017.
Le Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) : en plus d’être une dotation d’équipement, ce Fonds compense la TVA payée par les collectivités sur leurs dépenses d’équipement. Il s’élevait à 5,5 milliards d’euros en 2017.
Contrairement à la DGF, les dotations d’équipement sont en hausse depuis quelques années. L’enveloppe allouée à la DETR a ainsi été augmentée de 200 millions d’euros en 2015 et 2016. Pourquoi une telle hausse ? C’est simple. Si l’Etat veut inciter les collectivités à faire des économies de fonctionnement, il souhaite, en revanche, les inciter à investir davantage.
Par ailleurs, a contrario de la DGF, la DETR est d’abord répartie entre les départements en fonction de la taille de leur population, de leur richesse (potentiel fiscal) et de leur densité, rapporte le Sénat. Ensuite, c’est le préfet qui supervise le versement de la dotation entre les communes et les EPCI. L’avantage, c’est qu’il est censé parfaitement connaître la réalité de son territoire. Aussi, ce dernier s’appuie sur une commission départementale d’élus chargée de définir les opérations prioritaires dans le département.
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