A la découverte de la fiscalité locale du Royaume-Uni
- Kévin Saigault
- 19 janv. 2018
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 mars 2021
Constitué de quatre nations plus ou moins autonomes, le Royaume-Uni a instauré une fiscalité locale assez similaire à celle de la France malgré quelques divergences majeures et un pouvoir plus décentralisé.
La fiscalité et la politique ne font pas toujours bon ménage au Royaume-Uni. Rappelons-nous de Margaret Tchatcher qui, après avoir bataillé pour la libéralisation de l’économie britannique, a dû démissionner suite à l’imposition de la poll tax. Le fonctionnement de cet impôt local était le suivant : les communes choisissaient le montant de l’impôt puis le divisaient en parts égales entre chaque habitant, riche ou pauvre, de la ville. Réformer les impôts locaux se révéla être un sujet si explosif que, pour la première fois, la Dame de fer ne put résister à la pression populaire.
Mise en vigueur suite à l’échec de la poll tax, la council tax est aujourd’hui l’équivalent outre-Manche de notre taxe d’habitation. Toute personne occupant un logement doit s’en acquitter. Il peut donc s’agir du propriétaire, du locataire ou bien d’un occupant à titre gratuit. Ce sont les communes qui prélèvent cet impôt dont le taux est fixé par l’Etat, et peut être majoré par les villes selon des tranches d’imposition, en fonction de la valeur du bien sur le marché immobilier. Pour estimer cette valeur, le fisc britannique a instauré une classification allant de A à H. Contrairement au système français qui s’appuie sur les mêmes valeurs cadastrales depuis 1970 et qui est donc déconnecté de la véritable valeur locative, la classification britannique est réactualisée chaque année. Elle se base sur le lieu où se trouve le logement, sur sa qualité et sa taille. Dans les grandes villes, elle est calculée par quartier, ce qui permet de tenir compte de la gentrification ou bien de la dégradation de ces derniers. Une fois collectée, la council tax est ensuite redistribuée aux comtés qui sont plus moins l’équivalent de nos départements.

Par ailleurs, soulignons que les taux d’imposition de la council tax sont moins élevés outre-Manche qu’ils ne le sont pour la taxe d’habitation en France. En effet, selon une étude du cabinet d’avocats d’affaires Fidal, pour un logement d’une valeur de 200 000 €, un propriétaire britannique paiera environ 8 000 € de council tax sur 10 ans alors qu’en France, ce montant est estimé à 20 000 €, soit plus du double. Un montant qui est toutefois jugé excessif par une partie des Ecossais.
Des spécificités régionales
Outre la council tax, les Britanniques paient également la business rates (taxe professionnelle, en français). C’est un impôt collecté par les communes sur les biens immobiliers à usage professionnel. Cet impôt est reversé à l’Etat qui en garde une partie avant d’en redistribuer l’autre aux collectivités locales. Il y a donc un de transfert de compétences. Mais contrairement à la council tax, les collectivités ne peuvent influer librement dessus puisque le taux de la business rates est fixé par l’Etat et est le même dans l’ensemble du pays.

La business tax et la council tax représentent l’essentiel des impôts locaux au Royaume-Uni. Pour se financer, les collectivités locales disposent d’autres moyens. Tout d’abord, il y a les dotations de l’Etat. Les subventions accordées aux collectivités territoriales représentent 48,5 % de leurs ressources publiques, selon un rapport de la CNFPT. Les redevances et les ventes financent, elles, les collectivités à hauteur de 24,2 %. Enfin, les impôts et taxes ne représentent que 27,3 % du financement public des collectivités territoriales. La fiscalité britannique reste donc très centralisée malgré quelques exceptions liées à l’histoire du royaume. L’Irlande du Nord bénéficie notamment d’un régime fiscal spécifique qui permet aux entreprises étrangères d’échapper au paiement de l’impôt.
Très autonome depuis le Scotland Act de 2012, l’Ecosse a également tenté, à plusieurs reprises, d’instaurer sa propre version de la council tax. Mais Londres ne souhaitant pas abandonner certaines de ses prérogatives, ce fût toujours un échec. En effet, les taxes et les impôts relèvent de la compétence du gouvernement. Une partie de l’argent collecté par Londres est ensuite reversée à l’Ecosse dans le but de l’aider à gérer ses compétences propres (éducation, santé, logement, …). Le gouvernement a toutefois été amené à faire quelques concessions ces dernières années. Depuis 2016, le Parlement écossais est, par exemple, libre d’appliquer un taux spécifique à l’impôt sur le revenu.
Une décentralisation contrôlée depuis Londres
Garder le contrôle sur le financement de ses collectivités permet à Londres de mieux maîtriser les compétences transférées par l’Etat aux nations constitutives du Royaume-Uni. Le gouvernement peut ainsi orienter les dépenses des collectivités vers des secteurs qu’ils jugent prioritaires. Si ce système permet de mieux contrôler ses provinces, dont certaines réclament plus d’autonomie, il se heurte néanmoins à certaines limites.

En effet, les collectivités territoriales n’ont pas toutes les mêmes besoins. Certaines réclament donc une plus grande marge de manœuvre. L’objectif ? Dépenser dans les secteurs qu’elles estiment vraiment prioritaires. Pour autant, les collectivités britanniques ne sont pas uniquement financées par l’argent public. Depuis 1992, les partenariats public-privé permettent notamment au secteur public de réaliser des économies en laissant, sous certaines conditions, la main au privé pour financer des infrastructures à l’usage du public. Des hôpitaux, des écoles ou encore des routes ont ainsi été construits. Actuellement, plus de 700 contrats de ce type sont en vigueur.
Aussi, les collectivités britanniques ont recours à l’emprunt. Un emprunt qui n’est plus, depuis 2002, soumis à l’approbation préalable de l’Etat. Problème, les administrations publiques locales se sont endettées. Elles se retrouvent aujourd’hui avec un solde déficitaire et un besoin de financement parmi les plus élevés d’Europe. Selon un rapport d’Eurostat et de Fipeco, la capacité de financement des administrations locales britanniques était, fin 2016, égale à – 0,4 % du PIB. La dette des administration publiques locales est toutefois moins importante qu’en France puisque, selon les données de l’OCDE, elle représentait moins de 5 % du PIB britannique fin 2016 contre 9,2 % du PIB en France.
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